Le Mojo des amplis Vintage - Analyse d'un mythe.
Posté : lun. 29 nov. 2010 15:26
Vous entendrez souvent le terme "Mojo" en parlant des amplis anciens ou des amplis boutique. Le Mojo, ca se traduit par le "je ne sais quoi", ce qui ne s'explique pas, la "magie" d'un ampli ancien ou d'un ampli boutique copié point pour point d'un ampli ancien ou s'en inspirant grandement.
Certains diront que l'amplification guitare est une science complexe, réservée à des initiés. C'est faux. Les amplis mythiques comme les Fender Tweed et autres ne possèdent qu'une poignée de composants et leur rôle n'a rien de sorcier. Je ris toujours quand je lis des propos du genre "C'est comme celà, ca ne s'explique pas". Je me dis qu'à l'heure où on a envoyé des gens sur la lune et où la science décrypte le génôme humain, penser et croire que le son d'un ampli de guitare ne s'explique pas est signe d'une croyance aveugle due à l'ignorance de ceux qui écoutent et à l'éloquence de ceux qui parlent.
Je dis "une poignée de composants". Eh bien, nous allons tenter de les décrire, de les comprendre et d'identifier leur rôle dans le "son" et plus particulièrement dans le fameux "Mojo" que certains veulent nous vendre.
Première partie : Les résistances.
Voici trois types de résistances que l'on peut rencontrer dans nos amplis guitare. Il en existe d'autres mais ces trois types ici présents illustrent le propos.
Numéro 1 : La Carbon Comp.
La résistance Carbon Comp ou Composite carbone est un peu la grand-mère des résistances. Elle fut largement utilisée à la grande époque de la TSF et vous la trouverez dans les amplis Fender du début (fin années 40) jusqu'aux années 80.
Elle ressemble à un bâtonnet couleur chocolat. Sa fabrication consiste en une poudre de carbone conducteur aggloméré avec une substance que l'on peut comparer à de l'argile. La densité de carbone présente dans le mélange détermine la valeur de la résistance.
Sa tolérance varie entre 10 et 20% d'origine, sa valeur peut varier avec le temps, l'humidité peut modifier sa valeur, si elle s'échauffe trop, la valeur peut grandement varier et elle génère entre autres du bruit, un sifflement que les anglophones appellent le "Hiss". Enfin, ce genre de résistance possède un grand coefficient de variabilité en fonction de la haute tension. Sa résistance varie en fonction de la tension à ses bornes, elle n'est pas linéaire ! Nous reviendrons sur ce point plus loin dans cet exposé.
Numéro 2 : La résistance Carbon-Film ou Film carbone
Ce sont des résistances un peu plus récentes. Je dis "un peu plus" car dès les années 50, ces résistances ont remplacé les Carbon Comp dans le matériel électronique. A titre d'exemple, l'ampli DAVOLI de 1958 que j'ai restauré contient exclusivement ces fameuses résistances Carbon-film.
Elles sont souvent de couleur beige, plus petites que les carbon-comp à valeur égale. Leur fabrication consiste en un film de carbone déposé en spirale sur un noyau de céramique. L'espacement de cette spirale détermine la valeur de la résistance.
Comme qualités, on aura des tolérances plus faibles, une meilleure stabilité face aux hautes températures, une variabilité moindre avec la haute tension et surtout, elles ne génèrent plus ce bruit, le fameux HISS des Carbon Comp.
Numéro 3 : La résistance Metal Film
D'un point de vue physique, c'est la meilleure. Elle est fabriquée comme la Carbon film mais cette fois, c'est un film d'oxyde métallique qui est utilisé, raison pour laquelle on les nomme "métal oxyde". Elles sont encore plus silencieuses que les Carbon-film et surtout, leur tolérance est encore moindre. On peut sans problème avoir de telles résistances avec une tolérance de l'ordre de 2 à 5% (très loin des 10/20% des Carbon Comp.
Quelles sont les résistances les plus appréciées.
Logiquement, on pourrait croire que l'on préfèrera utiliser les résistances Metal-film. Elles ont tout pour elles : Faible tolérance, fiabilité, faible bruit... Mais non ! Dans les amplis boutique, on utilise la bonne vieille Carbon Comp remplie de défauts.
Posons nous une bonne question : Qu'est-ce qui différencie un bon ampli guitare d'un mauvais ampli guitare ? Un bon ampli a du caractère, un grain particulier et surtout, une saturation qui plaise à nos oreilles !
Si l'on transpose ces éléments dans un ampli HIFI, ces caractéristiques en font un mauvais ampli HIFI. Le noeud du problème (si c'en est un) est là : Un ampli guitare trouve ses qualités musicales dans ses défauts physiques !
La résistance Carbon Comp, avec sa variabilité face à la haute tension génère ce qu'on pourrait appeller une "distorsion de résistance". Eh oui, la résistance carbon-comp utilise un de ses défauts pour colorer le son d'une manière qui plait à nos oreilles.
Dans la HIFI, on préfèrera les autres résistances car elles offrent des caractéristiques recherchées en HIFI, mais pas en amplification guitare.
Voilà où se trouve le "Mojo" des résistances carbon comp !
Evitons leurs défauts.
A titre personnel, je préfère utiliser des résistances Carbon-film ou Metal Film dans les premiers étages de l'amplificateur, là où elles sont parcourues par des tensions relativement basses. En effet, de cette manière et à cet endroit précis, l'avantage de la Carbon Comp n'est pas présent mais son défaut (le HISS) est présent. Là où les tensions sont plus élevées, l'usage des Carbon Comp participe à la coloration du son et donne à l'ampli son grain caractéristique.
Seconde partie : Les condensateurs de liaison.
Si les résistances sont un sujet autour duquel gravite du "Mojo", vous n'avez rien vu par rapport aux condensateurs. Pour les résistances, c'est le type de fabrication qui fait la différence. Pour les condensateurs, c'est à la fois le type de fabrication, la marque et bien d'autres éléments. Vous lirez qu'un ampli ne sonne pas aussi bien avec des condensateurs Sprague qu'avec des Glendale ou des Mallory, qui sont tous minables comparés aux Sozo...
Essayons de démystifier un peu le bazar.
Y'a vraiment une différence de son ?
Bonne question. Réponse simple OUI ! Entre deux condensateurs identiques mais de type différent, le son sera modifié. Bien entendu, un ampli équipé de tels condensateurs ne va pas avoir un son horrible comparé au même ampli avec d'autres condensateurs. La différence sera subtile, inaudible pour certains mais frappante pour une personne qui est habitué à de tels amplis.
Sur certains forums, on me dirait "tu trouves la différence subtile parce que tu as de la m... dans les oreilles". Relativisons un peu. Prenons un ampli connu. Une personne qui a une grande expérience avec cet ampli sentira bien plus les petites modifications qu'une personne qui ne connaît pas l'ampli. C'est là un premier point car ceux qui prétendent qu'entre les deux, c'est le jour et la nuit sont souvent des gens assez spécialisés dans le domaine. C'est un peu comme un spécialiste du Cassoulet qui serait capable de vous dire que tel cassoulet a plus de sel qu'un autre alors que monsieur tout le monde ne verrait aucune différence.
Essayons de décortiquer les caractéristiques des condensateurs selon leur type de fabrication.
Les condensateurs papier.
Qu'ils soient papier huilé ou papier ciré, je les mets dans le même sac : Ce n'est pas (et de loin) ce que l'industrie électronique a produit de meilleur. En gros, l'isolant de ces condensateurs est composé d'un papier enduit d'un corps gras, soit de l'huile ou de la cire. Ils sont ensuite confinés dans du goudron, un cylindre de verre ou une résine comme de l'Araldite.
Quasiment tous les anciens ont des fuites, ce qui signifie qu'ils laissent passer le courant continu alors que le rôle d'un condensateur de liaison est justement de bloquer la composante continue. De tels condensateurs sont aujourd'hui vendus à prix d'or sur le net sous l'appellation "NOS" ou "New old Stock", qui signifie "Ancien Stock jamais utilisé". Sauf que dans leur cas, NOS devrait signifier "Nasty Old Stuff" pour "Veilleries de mauvaise qualité".
Contrairement aux tubes qui peuvent garder leurs performances durant des décénies sur une étagère, les condensateurs vieillissent même si l'on ne s'en sert pas. Pire encore, certains s'usent plus vite s'ils ne sont pas régulièrement utilisés.
Les condensateurs au papier ont commencé à disparaitre de l'électronique dès les années 50 entre autres pour leur fiabilité assez aléatoire. Cependant, ils sont mythiques, adulés et fantasmés. J'ai ainsi lu sur un site marchand un propos tel que "Les condensateurs Paper In Oil sont les condensateurs qui ont crée le son de l'âge d'or du rock and roll". J'adore ce mythe car je peux en partie le briser !
Prenons par exemple la marque Fender et l'ampli Deluxe. Les modèles de 1948 à 1954 utilisaient de tels condensateurs. A partir de l'année 1955, les condensateurs papier furent remplacés par des condensateurs de type différent. Donc, on a les condensateurs au papier de 1948 à 1954 et les autres de 1955 à nous jours. Finalement, les condensateurs au papier ont été remplacés en même temps que l'explosion du rock and roll. Peut-on dès lors les considérer comme une des caractéristiques des amplis ayant participé au rock and roll ? La réponse est NON.
Les condensateurs polyester.
Leur petit nom, c'est les Mustard de par leur couleur moutarde. Je possède ici des condensateurs polyester verts, rouges et même des blancs rosés, pas vraiment la couleur moutarde mais un grand nombre d'entre eux sont de couleur moutarde. Chose amusante, les condensateurs modernes se rapprochant des condensateurs Mustard sont d'un agréable jaune vif mais toujours vendus avec cette appellation moutarde.
Ils sont souvent associés à Vox et Marshall, plus généralement aux amplis anglais. Le détour est rapide et le condensateur polyester est immédiatement qualifié de "condensateur au son anglais". Pourtant, bon nombre d'amplis Fender Tweed du milieu des années 50 utilisent des condensateurs polyester. Voilà un condensateur à double nationalité.
En fait, il s'agit du mode de construction qui change. Sur les vieux Fender, on trouve des condensateurs polyester de marque ASTRON et Mallory série Molded. Ces condensateurs sont moulés dans une matière plastique de couleur jaune pour les Astron, bleue pour les Mallory et parfois rouge pour les Sangamo. Sur les VOX et Fender, on trouve ces condensateurs dans un moule de résine couleur... moutarde ! Voilà d'où vient la confusion.
Cependant, les condensateurs Mustard anglais, bien que de même technologie que les Astron américains ont une sonorité légèrement différente, ce qui explique la petite "signature" des Mustard. Mais cette différence demeure minime et le type de condensateur ne fait pas le son de l'ampli a lui seul.
Généralement, ces condensateurs sont de bonne fabrication et leur qualité tout à fait honorable. Toutefois et à titre personnel, je me dis qu'un condensateur de plus de 50 ans devrait quand même être remplacé. Même si leur fiabilité est excellente, certains modèles ont malgré tout besoin d'être ou bien remplacés ou alors vérifiés.
Les condensateurs polypropylène.
Les plus connus sont les Orange Drop, de par leur couleur et leur forme. Relativement modernes, ils ont pour effet de donner un ampli plus brillant, avec un son plus claquant que les Mustard et autres condensateurs polyester. Malheureusement, remplacer les condensateurs de type Polyester par des
Polypropylène ne va pas forcément changer radicalement l'ampli, mais la différence sera présente. Dans le cas où l'on construit un ampli soi-même, le choix entre un Polyester ou Polypropylène dépendra de ce que l'on désire. Si l'on cherche du claquant, on choisira du Polypropylène, mais d'un autre côté, un ampli avec des condensateurs Polyester ne sonnera pas forcément moins claquant que le même ampli avec les autres. Vous voyez où je veux en venir ? Ouais ! C'est exactement celà. Faites l'essai de l'un et l'autre et choisissez celui qui vous conviendra le mieux !
Un dernier mot sur les condensateurs ?
J'ai parlé des condensateurs les plus courants dans les amplis guitare. Je ne peux passer sous silence les condensateurs "haut de gamme" tels que les Jupiter. Ces condensateurs ont l'avantage d'être de même forme et couleur que les anciens ASTRON des amplis Fender anciens. Malheureusement, ils sont chers. Heureusement, ils sont d'excellente qualité. Je les recommanderais pour une restauration d'ampli où le look du circuit veut être conservé. Si l'on désire avant tout un ampli fiable et performant, l'usage de condensateurs Sprague, SEP ou Mallory de grande qualité peuvent amplement suffir. Leur prix est juste entre 3 et 10 fois moins élevé.
Froid dans le dos ?
Enfin, je mettrai en garde les gens sur un point précis : Méfiez-vous des pièces d'occasion vendues sur le net. Vous ignorez leur provenance. J'ai déjà vu d'anciens condensateurs ASTRON ou Mustard vendus sur le net, condensateurs ayant des marques de soudure, donc déjà utilisés au préalable. Ou bien ils proviennent d'un ampli qu'un technicien aura choisi de modifier, ou bien ils sont tout simplement défectueux.
Méfiez-vous aussi des condensateurs NEW OLD STOCK, quelque soit leur âge ou leur technologie. Vous ignorez tout de ces pièces, souvent vendues à prix d'or. Les composants actuels comme les Sprague, Mallory et consort sont des composants de très grande qualité.
Note importante : Sur certains forums, ce propos serait descendu en flèche par certains "techiciens" avec l'argument "tu n'y connais rien". Evidemment, certains techniciens ont pour philosophie de faire croire au profane que leur science est complexe, que vous devez vous en remettre à leur savoir et ne pas chercher à comprendre. Ces propos qui sont les miens sont fortement inspirés par Dave Hunter, Aspen Pittman et R.G. Keen qui sont en quelques sortes des figures d'autorité dans le domaine. Malheureusement, leurs propos sont peu voire pas du tout traduits en Français. A titre d'anecdote, j'ai un jour demandé à un technicien s'il avait des livres de référence sur l'amplification guitare et ce dernier m'a répondu "pas la peine que je te renseigne, tous les livres sont en Anglais". On voit bien l'obscurantisme de certains techniciens qui utilisent leur savoir dans leur seul intérêt. Mon savoir, je préfère le partager.
Certains diront que l'amplification guitare est une science complexe, réservée à des initiés. C'est faux. Les amplis mythiques comme les Fender Tweed et autres ne possèdent qu'une poignée de composants et leur rôle n'a rien de sorcier. Je ris toujours quand je lis des propos du genre "C'est comme celà, ca ne s'explique pas". Je me dis qu'à l'heure où on a envoyé des gens sur la lune et où la science décrypte le génôme humain, penser et croire que le son d'un ampli de guitare ne s'explique pas est signe d'une croyance aveugle due à l'ignorance de ceux qui écoutent et à l'éloquence de ceux qui parlent.
Je dis "une poignée de composants". Eh bien, nous allons tenter de les décrire, de les comprendre et d'identifier leur rôle dans le "son" et plus particulièrement dans le fameux "Mojo" que certains veulent nous vendre.
Première partie : Les résistances.
Voici trois types de résistances que l'on peut rencontrer dans nos amplis guitare. Il en existe d'autres mais ces trois types ici présents illustrent le propos.
Numéro 1 : La Carbon Comp.
La résistance Carbon Comp ou Composite carbone est un peu la grand-mère des résistances. Elle fut largement utilisée à la grande époque de la TSF et vous la trouverez dans les amplis Fender du début (fin années 40) jusqu'aux années 80.
Elle ressemble à un bâtonnet couleur chocolat. Sa fabrication consiste en une poudre de carbone conducteur aggloméré avec une substance que l'on peut comparer à de l'argile. La densité de carbone présente dans le mélange détermine la valeur de la résistance.
Sa tolérance varie entre 10 et 20% d'origine, sa valeur peut varier avec le temps, l'humidité peut modifier sa valeur, si elle s'échauffe trop, la valeur peut grandement varier et elle génère entre autres du bruit, un sifflement que les anglophones appellent le "Hiss". Enfin, ce genre de résistance possède un grand coefficient de variabilité en fonction de la haute tension. Sa résistance varie en fonction de la tension à ses bornes, elle n'est pas linéaire ! Nous reviendrons sur ce point plus loin dans cet exposé.
Numéro 2 : La résistance Carbon-Film ou Film carbone
Ce sont des résistances un peu plus récentes. Je dis "un peu plus" car dès les années 50, ces résistances ont remplacé les Carbon Comp dans le matériel électronique. A titre d'exemple, l'ampli DAVOLI de 1958 que j'ai restauré contient exclusivement ces fameuses résistances Carbon-film.
Elles sont souvent de couleur beige, plus petites que les carbon-comp à valeur égale. Leur fabrication consiste en un film de carbone déposé en spirale sur un noyau de céramique. L'espacement de cette spirale détermine la valeur de la résistance.
Comme qualités, on aura des tolérances plus faibles, une meilleure stabilité face aux hautes températures, une variabilité moindre avec la haute tension et surtout, elles ne génèrent plus ce bruit, le fameux HISS des Carbon Comp.
Numéro 3 : La résistance Metal Film
D'un point de vue physique, c'est la meilleure. Elle est fabriquée comme la Carbon film mais cette fois, c'est un film d'oxyde métallique qui est utilisé, raison pour laquelle on les nomme "métal oxyde". Elles sont encore plus silencieuses que les Carbon-film et surtout, leur tolérance est encore moindre. On peut sans problème avoir de telles résistances avec une tolérance de l'ordre de 2 à 5% (très loin des 10/20% des Carbon Comp.
Quelles sont les résistances les plus appréciées.
Logiquement, on pourrait croire que l'on préfèrera utiliser les résistances Metal-film. Elles ont tout pour elles : Faible tolérance, fiabilité, faible bruit... Mais non ! Dans les amplis boutique, on utilise la bonne vieille Carbon Comp remplie de défauts.
Posons nous une bonne question : Qu'est-ce qui différencie un bon ampli guitare d'un mauvais ampli guitare ? Un bon ampli a du caractère, un grain particulier et surtout, une saturation qui plaise à nos oreilles !
Si l'on transpose ces éléments dans un ampli HIFI, ces caractéristiques en font un mauvais ampli HIFI. Le noeud du problème (si c'en est un) est là : Un ampli guitare trouve ses qualités musicales dans ses défauts physiques !
La résistance Carbon Comp, avec sa variabilité face à la haute tension génère ce qu'on pourrait appeller une "distorsion de résistance". Eh oui, la résistance carbon-comp utilise un de ses défauts pour colorer le son d'une manière qui plait à nos oreilles.
Dans la HIFI, on préfèrera les autres résistances car elles offrent des caractéristiques recherchées en HIFI, mais pas en amplification guitare.
Voilà où se trouve le "Mojo" des résistances carbon comp !
Evitons leurs défauts.
A titre personnel, je préfère utiliser des résistances Carbon-film ou Metal Film dans les premiers étages de l'amplificateur, là où elles sont parcourues par des tensions relativement basses. En effet, de cette manière et à cet endroit précis, l'avantage de la Carbon Comp n'est pas présent mais son défaut (le HISS) est présent. Là où les tensions sont plus élevées, l'usage des Carbon Comp participe à la coloration du son et donne à l'ampli son grain caractéristique.
Seconde partie : Les condensateurs de liaison.
Si les résistances sont un sujet autour duquel gravite du "Mojo", vous n'avez rien vu par rapport aux condensateurs. Pour les résistances, c'est le type de fabrication qui fait la différence. Pour les condensateurs, c'est à la fois le type de fabrication, la marque et bien d'autres éléments. Vous lirez qu'un ampli ne sonne pas aussi bien avec des condensateurs Sprague qu'avec des Glendale ou des Mallory, qui sont tous minables comparés aux Sozo...
Essayons de démystifier un peu le bazar.
Y'a vraiment une différence de son ?
Bonne question. Réponse simple OUI ! Entre deux condensateurs identiques mais de type différent, le son sera modifié. Bien entendu, un ampli équipé de tels condensateurs ne va pas avoir un son horrible comparé au même ampli avec d'autres condensateurs. La différence sera subtile, inaudible pour certains mais frappante pour une personne qui est habitué à de tels amplis.
Sur certains forums, on me dirait "tu trouves la différence subtile parce que tu as de la m... dans les oreilles". Relativisons un peu. Prenons un ampli connu. Une personne qui a une grande expérience avec cet ampli sentira bien plus les petites modifications qu'une personne qui ne connaît pas l'ampli. C'est là un premier point car ceux qui prétendent qu'entre les deux, c'est le jour et la nuit sont souvent des gens assez spécialisés dans le domaine. C'est un peu comme un spécialiste du Cassoulet qui serait capable de vous dire que tel cassoulet a plus de sel qu'un autre alors que monsieur tout le monde ne verrait aucune différence.
Essayons de décortiquer les caractéristiques des condensateurs selon leur type de fabrication.
Les condensateurs papier.
Qu'ils soient papier huilé ou papier ciré, je les mets dans le même sac : Ce n'est pas (et de loin) ce que l'industrie électronique a produit de meilleur. En gros, l'isolant de ces condensateurs est composé d'un papier enduit d'un corps gras, soit de l'huile ou de la cire. Ils sont ensuite confinés dans du goudron, un cylindre de verre ou une résine comme de l'Araldite.
Quasiment tous les anciens ont des fuites, ce qui signifie qu'ils laissent passer le courant continu alors que le rôle d'un condensateur de liaison est justement de bloquer la composante continue. De tels condensateurs sont aujourd'hui vendus à prix d'or sur le net sous l'appellation "NOS" ou "New old Stock", qui signifie "Ancien Stock jamais utilisé". Sauf que dans leur cas, NOS devrait signifier "Nasty Old Stuff" pour "Veilleries de mauvaise qualité".
Contrairement aux tubes qui peuvent garder leurs performances durant des décénies sur une étagère, les condensateurs vieillissent même si l'on ne s'en sert pas. Pire encore, certains s'usent plus vite s'ils ne sont pas régulièrement utilisés.
Les condensateurs au papier ont commencé à disparaitre de l'électronique dès les années 50 entre autres pour leur fiabilité assez aléatoire. Cependant, ils sont mythiques, adulés et fantasmés. J'ai ainsi lu sur un site marchand un propos tel que "Les condensateurs Paper In Oil sont les condensateurs qui ont crée le son de l'âge d'or du rock and roll". J'adore ce mythe car je peux en partie le briser !
Prenons par exemple la marque Fender et l'ampli Deluxe. Les modèles de 1948 à 1954 utilisaient de tels condensateurs. A partir de l'année 1955, les condensateurs papier furent remplacés par des condensateurs de type différent. Donc, on a les condensateurs au papier de 1948 à 1954 et les autres de 1955 à nous jours. Finalement, les condensateurs au papier ont été remplacés en même temps que l'explosion du rock and roll. Peut-on dès lors les considérer comme une des caractéristiques des amplis ayant participé au rock and roll ? La réponse est NON.
Les condensateurs polyester.
Leur petit nom, c'est les Mustard de par leur couleur moutarde. Je possède ici des condensateurs polyester verts, rouges et même des blancs rosés, pas vraiment la couleur moutarde mais un grand nombre d'entre eux sont de couleur moutarde. Chose amusante, les condensateurs modernes se rapprochant des condensateurs Mustard sont d'un agréable jaune vif mais toujours vendus avec cette appellation moutarde.
Ils sont souvent associés à Vox et Marshall, plus généralement aux amplis anglais. Le détour est rapide et le condensateur polyester est immédiatement qualifié de "condensateur au son anglais". Pourtant, bon nombre d'amplis Fender Tweed du milieu des années 50 utilisent des condensateurs polyester. Voilà un condensateur à double nationalité.
En fait, il s'agit du mode de construction qui change. Sur les vieux Fender, on trouve des condensateurs polyester de marque ASTRON et Mallory série Molded. Ces condensateurs sont moulés dans une matière plastique de couleur jaune pour les Astron, bleue pour les Mallory et parfois rouge pour les Sangamo. Sur les VOX et Fender, on trouve ces condensateurs dans un moule de résine couleur... moutarde ! Voilà d'où vient la confusion.
Cependant, les condensateurs Mustard anglais, bien que de même technologie que les Astron américains ont une sonorité légèrement différente, ce qui explique la petite "signature" des Mustard. Mais cette différence demeure minime et le type de condensateur ne fait pas le son de l'ampli a lui seul.
Généralement, ces condensateurs sont de bonne fabrication et leur qualité tout à fait honorable. Toutefois et à titre personnel, je me dis qu'un condensateur de plus de 50 ans devrait quand même être remplacé. Même si leur fiabilité est excellente, certains modèles ont malgré tout besoin d'être ou bien remplacés ou alors vérifiés.
Les condensateurs polypropylène.
Les plus connus sont les Orange Drop, de par leur couleur et leur forme. Relativement modernes, ils ont pour effet de donner un ampli plus brillant, avec un son plus claquant que les Mustard et autres condensateurs polyester. Malheureusement, remplacer les condensateurs de type Polyester par des
Polypropylène ne va pas forcément changer radicalement l'ampli, mais la différence sera présente. Dans le cas où l'on construit un ampli soi-même, le choix entre un Polyester ou Polypropylène dépendra de ce que l'on désire. Si l'on cherche du claquant, on choisira du Polypropylène, mais d'un autre côté, un ampli avec des condensateurs Polyester ne sonnera pas forcément moins claquant que le même ampli avec les autres. Vous voyez où je veux en venir ? Ouais ! C'est exactement celà. Faites l'essai de l'un et l'autre et choisissez celui qui vous conviendra le mieux !
Un dernier mot sur les condensateurs ?
J'ai parlé des condensateurs les plus courants dans les amplis guitare. Je ne peux passer sous silence les condensateurs "haut de gamme" tels que les Jupiter. Ces condensateurs ont l'avantage d'être de même forme et couleur que les anciens ASTRON des amplis Fender anciens. Malheureusement, ils sont chers. Heureusement, ils sont d'excellente qualité. Je les recommanderais pour une restauration d'ampli où le look du circuit veut être conservé. Si l'on désire avant tout un ampli fiable et performant, l'usage de condensateurs Sprague, SEP ou Mallory de grande qualité peuvent amplement suffir. Leur prix est juste entre 3 et 10 fois moins élevé.
Froid dans le dos ?
Enfin, je mettrai en garde les gens sur un point précis : Méfiez-vous des pièces d'occasion vendues sur le net. Vous ignorez leur provenance. J'ai déjà vu d'anciens condensateurs ASTRON ou Mustard vendus sur le net, condensateurs ayant des marques de soudure, donc déjà utilisés au préalable. Ou bien ils proviennent d'un ampli qu'un technicien aura choisi de modifier, ou bien ils sont tout simplement défectueux.
Méfiez-vous aussi des condensateurs NEW OLD STOCK, quelque soit leur âge ou leur technologie. Vous ignorez tout de ces pièces, souvent vendues à prix d'or. Les composants actuels comme les Sprague, Mallory et consort sont des composants de très grande qualité.
Note importante : Sur certains forums, ce propos serait descendu en flèche par certains "techiciens" avec l'argument "tu n'y connais rien". Evidemment, certains techniciens ont pour philosophie de faire croire au profane que leur science est complexe, que vous devez vous en remettre à leur savoir et ne pas chercher à comprendre. Ces propos qui sont les miens sont fortement inspirés par Dave Hunter, Aspen Pittman et R.G. Keen qui sont en quelques sortes des figures d'autorité dans le domaine. Malheureusement, leurs propos sont peu voire pas du tout traduits en Français. A titre d'anecdote, j'ai un jour demandé à un technicien s'il avait des livres de référence sur l'amplification guitare et ce dernier m'a répondu "pas la peine que je te renseigne, tous les livres sont en Anglais". On voit bien l'obscurantisme de certains techniciens qui utilisent leur savoir dans leur seul intérêt. Mon savoir, je préfère le partager.